Pourquoi l'Etat serre la vis sur la location de courte durée ?
Depuis l'arrivée d'Airbnb en France en 2012, le marché de la location meublée de courte durée n'a cessé de croître. Il est aujourd'hui devenu ultra concurrentiel, avec une offre pléthorique de logements partout dans le monde, et bien sûr en France. Un business estimé au bas mot à 4,5 milliards d'Euros par an en France selon les chiffres officiels, business qui passe très largement par l'intermédiaire de plateformes de réservation parmi lesquelles Airbnb et Booking se taillent à deux la part du lion.
Devant cette facilité offerte à tous les propriétaires de logements - déclarés ou pas - de trouver des locataires, nombreux sont les investisseurs qui ont vu là l'opportunité de se constituer un patrimoine immobilier et des revenus. A telle enseigne que nombre de centre-villes sont devenus des "parcs à touristes" où les autochtones se sentent - et parfois sont - de plus en plus exclus. Des citoyens de Barcelone, Amsterdam, New York, Saint Malo, Biarritz ont mené des campagnes parfois violentes contre le développement de Airbnb. La difficulté à expulser des locataires d'un logement loué à l'année a certainement aussi incité de nombreux propriétaires à se tourner vers la location de courte durée, plus lucrative et plus flexible.
Tout ceci a fini par générer une crise du logement dans les territoires dits en tension, et les autorités locales, nationales et même européennes cherchent à tout prix à rééquilibrer les choses pour éviter une "airb&bisation" de l'immobilier comme on connait déjà l'Ubérisation du transport de personnes ou de la livraison de repas. La loi Le Meur dite loi "anti airbnb" du 19 novembre 2024 vise en cela à réguler le marché de la location de courte durée à l'échelle locale pour à la fois s'assurer d'avoir une offre locative résidentielle suffisante dans les territoires, mais aussi limiter l'évasion ou les niches fiscales dont peut bénéficier ce secteur. Car malgré un cadre réglementaire imposant des obligations de déclaration aux propriétaires de meublés, les plateformes ferment souvent les yeux devant une case "n° de SIRET" ou "n° d'enregistrement" laissée vide dans une annonce. Ce qui crée une faille dans le système de traçabilité fiscale et de prélèvement à la source mis en place par l'Etat français depuis quelques années. Et pendant ce temps, des dizaines de milliers de loueurs louent tranquillement en passant sous les radars du fisc français, et Airbnb engrange avec eux des milliards sur des comptes en Irlande avec une fiscalité allégée qui échappe aussi à la France. Il faut avouer qu'il y a de quoi énerver un ministre des finances publiques. Sans compter une taxe de séjour que les communes ne perçoivent pas, même si souvent les loueurs ne se privent pas de la collecter. Si ça continue, il va falloir que ça cesse !
Déclaration location meublée : un n° d'enregistrement obligatoire pour tous en mai 2026
Comment déclarer un logement en location ? Au jour d'aujourd'hui, toute personne mettant en location une résidence secondaire destinée à la location touristique de courte durée - soit moins de 90 jours consécutifs par locataire, est obligée de la déclarer :
- en mairie, pour permettre de connaître l'offre d'hébergements de la commune mais surtout de collecter la taxe (inter)communale de séjour. Une déclaration simple peut être faite en maire avec le formulaire Cerfa n° 14004. Certaines villes peuvent exiger un enregistrement, avant ou après la déclaration, en vue de délivrer un n° d'enregistrement à 13 chiffres. En Guadeloupe, c'est le cas des communes de la CARL qui délivrent ce numéro via le site http://www.declaloc.fr.
- aux services des impôts via le guichet unique de l'INPI pour obtenir un n° de SIRET en tant que Loueur de Meublé Non Professionnel (LMNP) et ainsi permettre la traçabilité des revenus locatifs. En effet, depuis 2022, en renseignant votre n° de SIRET sur une plateforme comme Airbnb, celle-ci envoie automatiquement au fisc le montant de vos revenus générées par la plateforme. Tout comme votre salaire, vos revenus locatifs sont désormais portés par le fisc sur votre déclaration d'impôts sur le revenus.
Le numéro d'enregistrement est à indiquer obligatoirement dans vos annonces en ligne... si votre commune a instauré l'obligation d'enregistrement dans sa procédure de déclaration des meublés de tourisme. Il y a donc de nombreuses annonces en ligne qui n'indiquent pas ce numéro et qui sont malgré tout en règle. C'est là une faille dans le système à laquelle le législateur vient remédier. La prochaine échéance que les loueurs et les collectivités doivent avoir en ligne de mire est le 20 mai 2026. En effet, à cette date toutes les locations de meublés touristiques devront faire l’objet d’une déclaration enregistrée auprès d’un téléservice national dédié comme Déclaloc, déjà en vigueur dans de nombreuses villes et communautés d'agglomérations. Charge d'ici là donc aux collectivités à la traine de mettre en place les moyens de télédéclaration pour que les loueurs puissent remplir leurs obligations.
La procédure de déclaration avec enregistrement en mairie est généralisée à toutes les mises en location de meublés de tourisme, quelle que soit la commune, et qu’il s’agisse d’une résidence principale ou non. Les meublés de tourisme sont déjà soumis à une obligation de déclaration en mairie, mais comme déjà dit plus haut, celle-ci ne fait pas toujours l’objet d’un enregistrement, qui permet de demander des pièces justificatives. La généralisation du numéro d'enregistrement, qui sera applicable au plus tard le 20 mai 2026, permettra une meilleure connaissance et une plus grande régulation par les maires du parc locatif touristique. Les maires pourront contrôler le respect de la réglementation par les loueurs (respect des règles de sécurité incendie, de performance énergétique…). Ils pourront suspendre dans certains cas la validité du numéro de déclaration, par exemple si le meublé est visé par un arrêté de péril. Ce nouveau dispositif doit être précisé par décret.
Quel rôle ont les plateformes pour faire respecter ces obligations ? Quelles sanctions ?
Depuis 2017, Airbnb est dans le collimateur de nombreuses villes pour héberger des annonces de loueurs illégaux. La ville de Paris, après avoir épinglé sur la plateforme des centaines de bailleurs non déclarés en mairie, a assigné Airbnb en justice pour manquement à l'information de ses clients. Faisant valoir l’article L324-2-1 du code de tourisme qui stipule que « Toute personne qui prête son concours contre rémunération par la mise à disposition d'une plateforme numérique, à la mise en location d'un meublé de tourisme informe le loueur des obligations de déclaration ou d'autorisation préalable», la plateforme s'est vue infliger, par un jugement rendu le 1er juillet 2021, une amende de 8 000€ par annonce illégale, soit quelques 8 millions d'Euros pour un millier d'annonces.
Entretemps, la loi Le Meur "anti airbnb" du 19 novembre 2024 confère pouvoir aux maires de prononcer 2 nouvelles amendes administratives de :
- 10 000 € maximum en cas de défaut d'enregistrement d'un meublé de tourisme par un loueur
- 20 000 € maximum en cas de fausse déclaration ou d’utilisation d’un faux numéro d’enregistrement.
Pour une plateforme qui n'aura pas informé le loueur de ses obligations de déclaration et d'enregistrement, l'amende peut s'élever à 50 000€ par annonce. Ceci est aussi valable pour tout professionnel ou personne qui publie une annonce en tant qu'agence immobilière, agence de tourisme ou conciergerie par exemple, comme le stipulent l'article de loi cité plus haut et cet article de blog.
De vous à moi, j'ai ouï dire qu'une agence immobilière de Guadeloupe fait actuellement la chasse aux conciergeries et autres agences de tourisme qui mettent en ligne un catalogue de logements sur leur site. Ces dernières estiment souvent être en règle, même sans être détentrices d'une carte G, du fait qu'elles n'encaissent pas les loyers pour le compte des propriétaires, contrairement aux agences immobilières. Certes, mais elles doivent bien veiller à mettre en place un système d'information des propriétaires sur leurs obligations déclaratives et à ne pas publier un logement qui ne serait pas en règle. Si vous êtes loueur ou intermédiaire et que vous avez créé une annonce sur Airbnb sans renseigner de n° de SIRET ou d'enregistrement, vous avez sûrement déjà reçu de nombreux rappels de leur part vous invitant à le faire. Chat échaudé craint l'eau froide, et Airbnb a bien appris sa leçon depuis sa sanction en 2021. A bon entendeur...
Dès lors, il appartient aux acteurs de respecter une obligation de coopération :
La plateforme doit veiller :
- A ce que le local ne soit pas loué plus de 120 jours par an, lorsqu’il s’agit d’une résidence principale, en procédant au décompte des jours pour chaque utilisateur.
- Transmettre les informations relatives au nombre de jours de location d’un local à la demande de la mairie.
- S’assurer qu’il est impossible de publier une annonce sans numéro d’enregistrement.
Le loueur doit :
- Communiquer la preuve du nombre de jours de location de son local à la demande de la mairie sous un délai d’un mois.
Si les textes existent depuis longtemps, ils étaient peu appliqués faute d'obligations déclaratives généralisées et uniformisées, et faute de sanctions dissuasives. En effet, jusqu'en 2024, le défaut de déclaration en mairie par un loueur était sanctionné à hauteur de 450 €. Avec la barre montée à 10 000€ le risque encouru devient énorme pour un loueur, tout comme le potentiel de recettes pour les communes qui peuvent désormais mettre les moyens pour aller à la chasse.
De plus, avec le n° d'enregistrement rendu obligatoire bientôt pour tous les loueurs, les plateformes seront plus facilement contraintes de ne pas publier une annonce si le loueur ne le fournit pas. Gageons qu'avec les récentes tensions commerciales avec les Etats-Unis et la volonté affichée de réduire la dépendance aux GAFAM en Europe, les Etats ne lâchent pas la pression sur les plateformes en faisant la chasse aux annonces illégales et toucher les plateformes au portefeuille à travers des amendes. Au tarif de 50 000€ d'amende par annonce, les lignes risquent de bouger.
Comment déclarer un meublé de tourisme Guadeloupe ?
Pour déclarer en mairie :
- Riviera du Levant (Gosier, Sainte Anne, Saint François, La Désirade): http://www.declaloc.fr.
- Nord Grande Terre (Anse-Bertrand, Le Moule, Morne à l'Eau, Petit Canal, Port Louis) : https://ngt.taxesejour.fr/
- Nord basse Terre (Lamentin, Sainte Rose, Deshaies, Pointe Noire, Petit Bourg, Goyave) : https://nordbasseterre.taxesejour.fr/
- Sud Basse Terre (Basse Terre, Capesterre Belle Eau, Terre de Bas, Trois Rivières, Vieux Fort, Vieux Habitants) : https://grandsudcaraibe.taxesejour.fr/
- Bouillante : http://www.declaloc.fr
Pour déclarer aux impôts et obtenir un n° de SIRET : Guichet unique de l'INPI
Si vous n'êtes pas très familier avec les formalités en ligne, LCD Services peut vous apporter une assistance administrative et les effectuer pour votre compte. N'hésitez pas à nous contacter.
Pour aller plus loin : https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A17883 ; https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2043 ; https://info.haas-avocats.com/droit-digital/la-plateforme-airbnb-est-elle-responsable-des-fautes-de-ses-hotes